Affaire Laurence Smith









TRIBUNE

Différences majeures entre la procédure pénale

aux Etats-Unis et en France


La procédure pénale aux Etats-Unis se distingue de celle pratiquée en France. 

Elle est dite « accusatoire » et non « inquisitoire », comme en France. Lorsqu'elle est accusatoire, la Police mène l’enquête principalement à charge contre la personne poursuivie. Et il appartient à la défense elle-même, et surtout à ses frais, de procéder, de manière parallèle, aux actes, expertises qui pourraient innocenter le mis en cause. Par contre, la police ne peut pas cacher des informations qu’elle découvre dans le cadre de son enquête à la défense.
 
Un peu comme Dominique Strauss-Khan qui a pu en bénéficier de manière inattendue. Mais la police aux Etats-Unis n’est pas chargée d’enquêter sur l’innocence de l’accusé.
Dans le système français, le juge d’instruction, a une obligation d’enquête à charge et à décharge. Il est plus ou moins contraint de procéder aux actes d’enquête que la défense sollicite. Une telle possibilité n’existe pas dans le système américain. 
 

Autre différence majeure, c’est que la défense n’a pas le même accès au dossier durant la phase d’enquête en France. La défense, à moins de mener son enquête parallèlement, est plus spectatrice qu’actrice de l’enquête dans une large mesure dans le système français.

Parvèz Dookhy
Avocat au Barreau de Paris
Président du Groupement des Défenseurs Judiciaires contre la Répression

Le rôle de l’avocat dans le procès pénal

Deux systèmes comparés


Chacun souhaiterait – sans doute – être défendu par l’ « Avocat du Diable[1] », le jeune et brillant avocat de Floride qui se rend à New-York pour joindre un des plus grands cabinets d’avocats de la ville. Mais au sein des cours et des tribunaux des juridictions de civil law en Europe, on ne verra jamais de scènes qui nous rappellent les séries télévisées judiciaires de l’ «Avocat du Diable », de  « Parry Mason », « Ally McBeal », « Law & Order ». En effet, le rôle et les pouvoirs des avocats américains sont tout à fait différents du rôle et des pouvoirs des avocats européens, liés par les règles d’un système inquisitoire.
Si certains d’entre nous, avocats au barreau de Bruxelles, ont grandi avec le rêve de crier un jour « Objection, Votre Honneur ! » ; si certains des prévenus s’attendent à se défendre devant un jury populaire… cela veut dire qu’ils croient « vivre » dans une série américaine ou  faire partie d’un procès américain qui se déroule selon un système accusatoire.
Cet article se propose de tracer une distinction entre le rôle de l’avocat aux Etats-Unis soumis à un système accusatoire et le rôle de l’avocat belge, soumis à un système inquisitoire.

Le système accusatoire

Le système accusatoire est la procédure judiciaire en usage dans le monde anglo-saxon, notamment aux Etats-Unis. Il se bâti sur un ensemble de règles dites de common law, où la jurisprudence est la première source du droit, par opposition au droit codifié des pays de civil law. Les précédents judiciaires font loi entre les parties. Aux Etats-Unis il s’agit des décisions de la Cour Suprême. 
La particularité du système accusatoire est flagrante et tangible dans la mise en œuvre de la justice.
En régime accusatoire de common law l’exercice de l’action pénale appartient aux parties. Plus précisément, le ministère public (District Attorney) qui est partie du procès avec le prévenu mène l’action publique sans qu’aucun juge d’instruction ne puisse intervenir. Il n’est pas un fonctionnaire nommé sur la base d’un concours. Il est élu par les citoyens. Donc, aux Etats-Unis l’exercice de l’action publique relève du pouvoir politique, le District Attorney devant rendre compte à ses électeurs.
En pratique, au moment de la commission d’une infraction la police intervient en appréhendant, par exemple, le suspect. A la suite d’un interrogatoire, le cas échéant en présence d’un avocat, la police rédige un procès verbal qui sera remis au procureur de la ville ou du comté, c’est-à-dire au District Attorney. Celui-ci peut décider de déclencher l’action pénale, sans aucune intervention du juge d’instruction qui n’existe pas dans le système américain. Si le District Attorney estime que l'enquête est suffisante et complète pour mettre en cause un individu déterminé, il le cite devant le juge. Le ministère public doit alors prouver la culpabilité du prévenu devant les jurés, à travers la production de pièces à conviction, l’audition de témoins et d’experts à l’audience des jugements.
Ce régime connait la répartition de la charge de la preuve entre les parties au procès. Le ministère public instruit à charge (en défaveur de l’accusé), les avocats de la défense enquêtent à décharge (à la faveur de l’accusé). L’avocat de la défense a un rôle clé, d’enquêteur. Il peut recourir à des enquêteurs privés pour apporter des éléments à décharge au moment de l'audience, il peut communiquer avec les témoins, chercher et réunir des preuves, ordonner des expertises,  parler à la presse de son affaire.
Dans la phase de l’instruction, preliminary inquiry, toutes les parties agissent au même niveau. Il est évident que l’exercice du droit de la défense est directement proportionné à la capacité économique du prévenu, les expertises, les détectives privés ayant un coût très important. En fait, si dans le système inquisitoire belge la police judiciaire, et donc l’Etat, a le pouvoir de rechercher toute information, sous la direction d’un procureur du roi ou d’un juge d’instruction, dans le système accusatoire ce pouvoir appartient aux parties.
Une fois que le prévenu a été envoyé devant le tribunal pour y être jugé, la procédure devient contradictoire et orale. En audience on assiste à un affrontement contradictoire, public et oral entre l’accusation et la défense. L’avocat de la défense ayant les moyens financiers déploie sa contre-enquête. Chaque partie a le pouvoir et le droit de prouver les faits au soutien de sa cause à travers des explications orales. Celles-ci posent également leurs questions aux témoins.
Le juge ne joue qu’un rôle d’arbitre : il veille sur la loyauté des débats, sur l’équité de la procédure et sur le respect des lois de procédure pure. Le tribunal tranche en faveur de la thèse qui lui parait la plus solide et la plus convaincante. Il en découle une vision procédurale de la justice qui considère juste ce qui a été contradictoirement débattu et tranché.
Aux Etats-Unis les jurés populaires sont très courants, tandis qu’en droit belge, seulement la cour d’assises, compétente pour les crimes graves, est composée du jury.
Les jurés américains doivent fonder leur condamnation uniquement sur les éléments de preuves présentés au procès. S’ils arrivent à la conclusion personnelle que le prévenu a commis l’infraction dont il a été accusé, mais s’ils déterminent que les preuves produites par le ministère public n’œuvrent pas dans le sens de la culpabilité sans aucun doute raisonnable, les jurés doivent prononcer l’acquittement.

Le système inquisitoire

Le système inquisitoire, qui est un ensemble de règles, est la procédure judiciaire en usage  dans la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest, notamment en Belgique, et en Amérique latine. Cet ensemble de règles de droit évoque le système de civil law, c’est-à-dire un système juridique qui puise ses origines dans le droit romain, codifié plus tard dans le Code Napoléon.
Conformément à l'article 1er du Titre préliminaire du Code de Procédure Pénale belge, « l’action pour l'application des peines ne peut être exercée que par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ». La loi confère ce pouvoir au ministère public qui au sein d’une procédure judiciaire représente l’Etat et il exerce l’action publique dans l’intérêt de la société. Il est un fonctionnaire, nommé sur base d’un concours et indépendant du pouvoir politique.
Au moment de la commission de l’infraction la police judiciaire intervient en appréhendant, par exemple, le suspect qui fait tout de suite l’objet d’une audition. Celle-ci normalement se déroule en présence d’un avocat alerté de l’interrogatoire de police selon les règles de la loi Salduz[2].  L’officier de police recueille les déclarations du suspect dans un procès-verbal, premier acte écrit du dossier répressif. Voilà pourquoi on dit que la procédure inquisitoire est écrite, la conviction du juge se fondant sur les pièces, documents et conclusions insérés au fur et à mesure dans le dossier répressif. La police transmet, ensuite, le procès verbal de l’audition au ministère public qui peut classer le dossier comme sans suite, citer directement le prévenu devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel, ou émaner un réquisitoire de mise à l’instruction, en confiant l’affaire au juge d’instruction (article 61 Code d’Instruction Criminelle). S’ouvre ainsi la phase de l’instruction qui précède le débat éventuel au fond devant les juridictions du fond.
L’article 55, al. 1er du Code d’Instruction Criminelle définit l’instruction comme « l'ensemble des actes qui ont pour objet de rechercher les auteurs d'infractions, de rassembler les preuves et de prendre les mesures destinées à permettre aux juridictions de statuer en connaissance de cause.

Elle est conduite sous la direction et l'autorité du juge d'instruction ».

Donc dans le système inquisitoire belge, le pouvoir de rechercher toute information appartient à la police sous la direction du ministère public, dans la phase de l’information, et au juge d’instruction dans la phase de l’instruction. Et alors quel est le rôle de l’avocat de la défense au sein d’une procédure judiciaire belge, étant donné que la phase de l’information est sécrète ?
L’avocat appartenant à la plateforme Salduzweb[3] assiste le suspect lors de sa première audition auprès du commissariat de police. Il n’intervient pas pendant l’interrogatoire. Sa présence est strictement liée au respect du droit de la défense. Par exemple, il fait en sorte que le procès verbal soit rédigé conformément aux réelles déclarations du suspect.
Successivement, l’avocat de la défense doit « travailler » « bras dessus bras dessous » avec la police judiciaire, le procureur du roi et, le cas échéant, avec le juge d’instruction.  N’ayant pas un pouvoir d’enquête privée à l’instar de ses collègues américains, il est essentiel pour l’avocat de la défense de connaitre son interlocuteur dans la procédure judiciaire, car il est possible qu’il ait des mesures de recherche de la preuve à « suggérer ».  En fait, sur pied de l’article 61 quinquies du Code d’Instruction Criminelle, « l'inculpé et la partie civile peuvent demander au juge d'instruction l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire ». Afin d’exercer ce droit de défense, il est de capitale importance pour l’avocat de la défense d’avoir accès au dossier répressif aussi tôt que le juge d’instruction ait été saisi.  
Le juge d’instruction ne joue pas le rôle d’arbitre, mais d’enquêteur.
Le régime inquisitoire ne connaît pas la répartition de la charge de la preuve entre les parties au procès. Eu égard au principe de la présomption d’innocence, la charge de la preuve incombe en effet entièrement à la partie poursuivante, sous le contrôle du juge. Le juge contribue activement à la recherche de la vérité. Il prendra d’office toutes les initiatives nécessaires lorsque le matériel de preuves recueilli est insuffisant pour conduire à une décision justifiée. Mais il doit le faire dans une manière impartiale et contradictoire.
A l’issue des audiences de débat, le juge de fond doit prononcer un jugement motivé (article 163 Code d’Instruction Criminelle ; article 149 Constitution) qui ressentira de son appréciation de la valeur probante des éléments de preuve. Le juge du fond condamne le prévenu sur la base du principe de l’intime conviction qui doit être établie au-delà de tout doute raisonnable. L’intime conviction, fondement de l’acte de juger, n’est pas la simple opinion ou réflexion du juge. Elle « est une méthode de travail » qui suppose d’envisager tous les aspects de l’affaire, d’en peser la totalité des éléments, de produire un raisonnement, en fait comme en droit. Le juge condamnera lorsque, sur la base des arguments avancés par les parties, il a acquis la certitude humaine, qui réside dans son intime conviction, que le prévenu est coupable du fait mis à sa charge.
En conclusion, dans les Etats modernes, la vérité des faits s’établit à travers des procédures judiciaires différentes, où l’avocat parfois joue un rôle de protagoniste, parfois d’adjoint du réalisateur.
Mais est-ce que la Justice et la Vérité resteront toujours la Justice et la Vérité n’importe où dans le monde, n’importe où le justiciable est poursuivi, quelles que soient les lois de procédure applicables ?



Mariangela Cocca
Avocate au barreau de Bruxelles
Minatchy Law Office


(1) L'Associé du diable ou L'Avocat du diable est un film américain réalisé en 1997 d'après le roman The Devil's Advocate d'Andrew Neiderman.
(2),(3) La loi Salduz, entrée en vigueur en Janvier 2012, impose que chaque justiciable appréhendé par la police soit assisté par un avocat lors de son audition. L’Ordre des Barreaux francophones et germanophones (OBFG) et son homologue flamand, l’Orde van Vlaamse Balies (OVB) ont à cet égard rapidement mis sur pied un service de permanence et une application web s’y rapportant.


Le port d'armes aux Etats-Unis



Le second amendement de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique garantit le droit pour tout citoyen américain de porter librement des armes. 


La Virginie est l'un des Etats les plus permissifs en matière de port d'arme, et elle abrite le plus grand centre de tir des Etats-Unis. L’arme à feu est devenu un objet culturel : il existe 88 armes pour 100 habitants aux Etats-Unis. 


Chaque année, 60.000 morts ou accidents y sont causés par balle. Et aucune étude ne démontre pourtant que le port d'armes a permis de réduire le taux de violence criminelle. 


Rappelons que le 19 juin dernier, Barack Obama a lancé un appel pour plus de contrôle du port d'arme vu la liste des drames qui se multiplient sur le sol américain. 


Plusieurs associations oeuvrant contre la libéralisation des armes luttent activement pour plus de restrictions. 


En ces temps d’incertitudes, s’investir en faveur de la restriction de l’armement, sous toutes ses formes, c’est persister afin de construire un monde toujours  meilleur, notamment pour les générations futures. 


En ce sens, les Jeunes Juristes Francophones se mobilisent afin de soutenir les associations de lutte contre la libéralisation des armes aux Etats-Unis.




 

Yola Minatchy
Avocate au barreau de Bruxelles


 

Plus d’informations :



Manifestation contre la libéralisation des armes-Cour Suprême des USA-Washington

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