20 décembre 1848, abolition de l'esclavage à La Réunion

Notre identité, notre combat


20 décembre une date symbolique pour la Réunion. Symbole d'une liberté donnée. Dès lors les règles du jeu étaient encore fixées par un autre système où l'esclave restait objet et n'accédait pas à la condition de sujet. Il en a été de même jusqu'à aujourd'hui. Le Réunionnais est resté, pour les maîtres de la colonie, un enfant incapable de s'émanciper. Infantilisé par l'histoire, infantilisé par le pouvoir politique, on a ancré dans l'imaginaire collectif le mythe du père. Papa Vergès ou papa Debré n'étaient que les deux revers d'une même médaille faisant perdurer, sous un vernis de lutte, un seul et même système séculaire. Pourquoi avoir créé la banque de la Réunion pour indemniser les propriétaires d'esclaves ? En somme, pourquoi avoir maintenu l'écart absolu entre maître et esclave ? Là où une révolte responsable aurait balayé cette hiérarchie, le 20 Décembre 1848 a maintenu les descendants d'esclaves dans la condition de subordonnés. Cet état de fait obligeant les Réunionnais à courir après l'égalité républicaine. D'aucuns critiquent Toussaint Louverture et le mauvais exemple d'Haïti pour une fois de plus instiller la peur chez l'esclave que nous sommes tous. Pourtant l'accession au pouvoir d'un homme portant en lui l'ADN de l'Afrique était déjà un début de réponse à une question identitaire : l'homme noir peut il être dominant ou est t'il condamné à être dominé ? A la Réunion, cette question ne s'est jamais posée. L'homme noir, et ses descendants au brassage génétique infini, est de fait dominé. Les "luttes" économiques, politiques et identitaires ont donc été menées par les maîtres d'hier se nommant Barau, Chateauvieux ou Vergès. Les descendants du continent africain n'ayant, pour repère identitaire, qu'un miroir trompeur n'ont eut d'autre choix que de prendre le train en marche. La forme de la lutte les écartait dès lors de l'avant garde. L'utilisation d'une parole savante à l'apparence révolutionnaire aliénait une fois de plus ces mêmes opprimés qui ne savaient que "courir après". Aujourd'hui encore nous courons après. Et lorsque nous "rattrapons", on nous annonce que les règles du jeu ont changé. Lorsque aujourd'hui un jeune réunionnais d'une vingtaine d'années accède pour la première fois dans l'histoire familiale au graal des études supérieures, des générations avant lui, le Français continental passait par la même voie d'ascension sociale. Et lorsque ce jeune réunionnais rattrape l'injustice qui lui était faite, en terme "d'ascension sociale", il se voit frapper du sceau de la banalité d'un diplôme universitaire. Situation qui le condamne à la désillusion sociale. Alors à quoi sert de courir après si ce n'est pour arriver à point ? Pourtant la notion d'ascenseur sociale est une image assez explicite. Ainsi s'il existe des étages supérieurs auxquels peut mener cet ascenseur sociale, il existe un rez de chaussée souvent réservé aux retardataires et aux handicapés de l'histoire. Nous vivons tous sur des mythes. Le mythe de l'immortalité ou croire qu'une situation donnée est éternelle. Croire tout simplement que les arbres montent jusqu'au ciel. Pourtant des solutions existent mais elle exige de nous de changer de paradigme, de faire tomber les murs de nos prisons mentales. Faut il encore rappeler, tel un truisme, que l'argent ne manque pas à la Réunion ? Que notre problème fondamental est un problème identitaire et non monétaire ? Que notre peuple a soif de reconnaissance ? Une reconnaissance d'abord "endogène " afin de mettre fin à l'insécurité identitaire dans laquelle nous nous trouvons. Nous valoriser entre nous pour enfin mettre fin à des modèles familiaux destructeurs hérité du temps sombre de l'esclavage. La reconnaissance "exogène" de la France est elle aussi nécessaire mais pas suffisante. Cette question ne nous appartient pas. Elle appartient à la France avec un grand F. Quand est ce que tout Français sortira de l'héritage génétique en faisant sien l'héritage historique ? Quand est ce que l'inconscient collectif intègrera l'héritage de l'opprimé et non plus seulement l'héritage de l'oppresseur ? En tant que Réunionnais je porte en moi l'héritage de l'opprimé et l'héritage de l'oppresseur. En tant qu'humain porteurs d'idéaux, j'ai choisi d'accepter le passif et l'actif de l'héritage de l'opprimé. Cet héritage est celui de l'homme noir.

Didier Vaïtilingom

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