Suffit-il d’aimer la langue française pour la défendre ? La question est posée de cette manière car peut-on vraiment imaginer que toutes celles et tous ceux qui la défendent l’aiment et, inversement, toutes celles et tous ceux qui ne la défendent pas, ne l’aiment pas? Mais s’agit-il de la défendre ou de la promouvoir ou les deux à la fois puisqu’elle nous est si chère ?
On veut plutôt croire que celles et ceux qui l’aiment la promeuvent davantage qu’ils la défendent. La défense de la langue française s’articule très souvent autour de l’ampleur qu’a prise et continue de prendre la langue anglaise. Il y a réaction mais pas d’action propre, pas d’initiative en soi.
La prédominance de la langue anglaise s’explique essentiellement par l’histoire de l’Angleterre. Il fut un temps bien connu où elle était le seul pays à gouverner pratiquement le monde. La perspicacité anglaise, ce que l’on a aussi appelé la ‘diplomatie anglaise’, est que l’Angleterre ne s’est pas brutalement imposée mais a plutôt cherché la coexistence, ce qui a eu pour effet majeur de la permettre de mieux subtilement et durablement s’installer et contrôler ; elle s’adapte aux réalités qu’elle veut changer. Tout était dans l’art et la manière de faire ; c’est tellement british, disent surtout les français, qui ont, semble-t-il, oublié que ‘petit à petit l’oiseau fait son nid’. Les idées les plus simples aboutissent souvent aux choses les plus extraordinaires.
Il se trouve aussi que les grandes inventions, les grandes découvertes scientifiques et les grandes théories économiques qui constituent la base matérielle du monde moderne et qui relèvent de nos réalités quotidiennes, sont d’origine anglaise. A cela, il faut ajouter que l’une des grandes puissances du monde contemporain était une colonie anglaise. L’influence politique, sociale, culturelle, économique et commerciale de la langue anglaise était et est difficile à contrecarrer. L’histoire de l’humanité nous enseigne, en effet, que chaque ère a sa langue universelle.
Que faire dans une telle conjoncture pour mieux promouvoir la langue française qui elle aussi a connu ses heures de gloire ? Sans doute la réponse vient encore une fois des anglais : if you can’t beat them, join them, si vous ne pouvez les battre, rejoignez-les ! Concrètement, cela signifie qu’il faut aborder la promotion de la langue française, non dans un esprit de concurrence ou de compétition, ce qui amène à vouloir à tout prix neutraliser l’adversaire, mais dans un esprit de coopération et de coexistence, ce qui implique qu’il n’y plus d’adversaire mais que des alliés. Au lieu de rechercher l’exclusivité et le monopole, recherchons l’épanouissement commun ; dans la mesure du possible, il faut promouvoir la langue française sans vouloir faire barrage à l’évolution de la langue anglaise car, comme toute autre langue, elles appartiennent au patrimoine culturel de l’humanité toute entière. Dans cet ordre d’idées, personne ne verra d’inconvénient à ce qu’on enseigne et parle le français, ou tout autre langue, en Angleterre, aux Etats-Unis d’Amérique ou ailleurs, et qu’on enseigne et parle aussi l’anglais, ou tout autre langue, en France ou ailleurs. Ce sera une façon très commode et pratique de les promouvoir et les défendre. Toutes celles et tous ceux qui les aiment viendront les apprendre et les parleront sans qu’elles leurs soient imposés. Ainsi, ne serait-il pas utile et efficace d’enseigner le français par le biais de la langue anglaise dans l’ensemble des pays anglophones ?
En même temps, chaque pays fera la promotion de sa langue tout en s’adaptant à la situation internationale du langage.
A ce propos, Shakespeare et Molière doivent impérativement se rencontrer très bientôt, en l’absence de traducteurs, pour discuter seuls de l’avenir des langues dans l’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies, en qu’elle langue s’exprimeront-ils ?
Nada Rengasamy Savan
Docteur en droit, Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
CAPA, Ecole de formation au Barreau (Paris)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire