5 juin 2011, journée internationale de l’environnement




Vers un modèle financier plus écologique


Longtemps la finance a cru qu’elle pouvait dénier l’écologie. Mais la récente crise économique mondiale a sonné le glas des antiennes surannées en la matière.

Rappelons qu’en 2008, les pays occidentaux ont du s’endetter en investissant plus de 1000 milliards de dollars dans les banques afin de les sauver de la faillite ; de même, plus de 3000 milliards de dollars ont été injectés dans un plan de relance de l’économie (1).

Dans une ère de dettes publiques abyssales, une époque où des milliards d’êtres humains meurent de faim et n’ont pas accès à l’eau potable sur la planète, était-il fondamentalement indispensable de sauver en priorité le déficit des banques des pays industrialisés avec « l’argent des contribuables » (2)?

Si en 2011, la Chine a quasiment remboursé sa dette publique et que l’Inde est en voie de l’achever, inversement, de la Grèce au Portugal, de l’Espagne à la France en passant par l’Irlande, des plans d’austérité ont dû être mis en œuvre afin de compenser le gouffre financier public amplifié par la sauvegarde des banques. L’Europe financière est toujours en crise, le processus de déclin de son économie est un fait avéré. La situation demeure d’une gravité sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. D’où la nécessité d’une nouvelle ère d’investissement.

Politique de rigueur ou relance, dans la bataille mondiale pour une finance différente, plus responsable, plus éthique, plus écologique, la distribution de l’argent par les banques est le nerf de la guerre. Selon les banques, l’argent est généralement investi dans un circuit choisi en fonction de sa rentabilité. Comment les banques distribuent-ils votre argent (3) ? L’argent que vous déposez sur vos comptes courants, vos livrets d’épargne, même les montants les plus infimes, « ne dort pas » dans vos agences bancaires. Dans certaines banques, votre argent ira financer à votre insu des secteurs se révélant nuisibles à la planète, aux peuples tels que des prêts pour de nouvelles centrales nucléaires, des plateformes pétrolières, gazières, des multinationales aux objectifs mondialement controversés. Les conséquences du financement de ces projets ont pour corollaire nombre d’effets dévastateurs : production de déchets hautement radioactifs, toxiques, menaces sur la biodiversité terrestre et marine, extermination de certaines communautés pour la construction d’oléoducs, pollution des eaux, accroissement d’un effet de serre des plus délétères, etc…

Des données précises publiées par banque attestent aujourd’hui de l’inanité criante du modèle financier ambiant : à ce propos, il convient de se référer à l’impact carbone des banques françaises les plus polluantes voire radioactives.











L’étude de ce graphique, dont les calculs ont été faits pour HSBC Holdings, nous enseigne que si toutes les banques n’ont pas le même impact carbone, elles n’ont pas non plus les mêmes valeurs (4).

Relevons que les trois premiers établissements bancaires, adhérant à des mécanismes financiers les plus éthiques et écologiques, sont La Nef, le Crédit coopératif et la Banque de la Poste. Ces banques replacent véritablement l’humain, l’écologie au cœur du circuit financier. L’argent que vous y déposez fait l’objet d’une gestion responsable : il subventionne, de manière transparente, des initiatives durables. Ces trois institutions financières mettent, de surcroît, un point d’orgue à canaliser l’argent vers des projets pourvoyeurs d’emplois.

La Nef, classée premier établissement bancaire éthique en France, a été crée en 1988. Cette coopérative de finances solidaires développe des initiatives avec votre argent en s'inspirant d'un modèle de développement durable dans sa production de richesse et dans sa distribution.

En effet, en 2009, 70% des prêts accordés par La Nef, ont été consacrés à la création d’entreprises à vocation écologique, par exemple dans le domaine de la construction d’éco-quartier, le développement de l’agriculture locale et biologique, les énergies propres, les centres de formation à l’éco- construction, les épiceries biologiques ; 30% des prêts ont été investis à la création d’entreprises à dimension sociale, d’insertion ou culturelle telles que des restaurants bio ou œuvrant en faveur des plus démunis, des crèches écologiques, des maisons d’édition, etc… La liste et le montant de tous les prêts accordés par La Nef sont publiés chaque année. Dès lors, vous pouvez suivre le chemin emprunté par votre argent avec la plus parfaite transparence (5).

Si nous regrettons que la Nef et le Crédit coopératif, acteurs financiers de choix, n’aient pas encore d’antennes dans les départements d’Outre-Mer français, la Banque de la Poste, classée au troisième rang parmi les banques les plus éthiques de France, y est cependant largement représentée, accessible à tous, avec des taux décents et la mise en place du microcrédit; en ce sens, les initiatives des banques postales ultramarines méritent d’être soutenues.

En Belgique, terre d’accueil des investisseurs internationaux, la banque Triodos a été reconnue, selon une enquête de Test achat, comme la plus éthique, transparente, écologique des banques belges.

Cette banque a aussi pour vocation d’investir l’argent des épargnants et investisseurs dans des projets environnementaux, sociaux, culturels. Notons, à titre d’exemple, qu’en 2007, Triodos a accordé plus de 40 millions d’euros de crédit éolien en France hexagonale; que fin 2010, elle finançait plus de 300 projets européens, internationaux en matière d’énergie renouvelable. En ayant permis la production d’électricité pour 1,2 millions de ménages, Triodos a évité la production de 1,6 million de tonnes de CO2 en 2010 !

Triodos, appliquant un code de conduite éthique stricte, affiche de manière récurrente d’excellents résultats dans la capitale de l’Union européenne. La banque belge a déclaré, par ailleurs, qu’elle n’avait pas été touchée par la crise financière de 2008.

Les racines de la popularité de ces établissements bancaires éthiques, autrefois peu connus, s’étendent progressivement ces dernières années en Europe et ne laissent plus de place à l’hésitation des citoyens informés.

En cette journée mondiale de l’environnement, face à la déconfiture d’un système financier suranné, les Jeunes Juristes Francophones encouragent vivement tout citoyen responsable à quitter les banques les plus nuisibles pour la planète comme pour l’humain et à opter pour un circuit monétaire axé sur des valeurs, sur des projets durables vers une société plus juste. Le respect de la symbiose entre l’Homme et la nature relève de coutumes millénaires qu’il nous appartient de préserver.

Jairam Ramesh, Ministre de l’environnement de l’Inde, et plus récemment Angela Merkel, chancelier fédéral de l’Allemagne, nous ont enseigné qu’il est possible de dire « non » aux projets « rentables » des grandes entreprises ou des multinationales les plus puissantes de ce monde lorsqu’ils sont trop dévastateurs pour les citoyens comme pour l’environnement (6).

Rappelons également les propos de Tim Jackson : « il faut construire une prospérité support de bien être collectif et de justice dans les limites de la biosphère » (7).

Ensemble nous pouvons certainement résister aux abus bancaires nocifs, destructeurs, à l’opacité voire à l’hypocrisie de certains des paradigmes dominants (8). Pour les listes détaillées des financements, prêts, soutiens secrets financés, accordés par votre banque avec votre argent voir : www.secretsbancaires.fr (9)

Le XXIe siècle ne rimera plus avec une finance sans conscience. Le monde a longtemps attendu de savoir et aujourd’hui il sait. Des vérités simples sont de plus en plus accessibles. L’investissement financier libre et responsable représente une chance pour les futurs locataires de la planète. Léguer un monde endetté, sans éthique, aux prochaines générations revient à leur céder, par ce modèle économique périmé, un monde non durable.

En investissant « en bon père de famille », nous avons le pouvoir de soutenir un système bancaire plus éthique loin de certaines dérives dérégulées et débridées du monde la finance, nous pouvons replacer l’humain, l’écologie au cœur de l’économie, et faire émerger une nouvelle conception du monde loin de toute théorisation, de toute sinistrose, de toute utopie.

Le nouveau « Moyen Age » de notre temps, multipolaire et apolaire, est déjà enclenché. Face à l’ampleur de la dette actuelle de l’Occident, gageons que, sans réaction collective, sans force de traction des consciences, son système financier s’oxydera… jusqu’à sa prochaine « Renaissance ».

YM


Références :

(1) Lire « Tous ruinés, dans dix ans », Jacques Attali, Ed. Fayard, 2010 ; Livre de poche 2011.

« L'auteur reconstitue l'histoire de la dette publique des grands pays occidentaux, et montre à quel point son niveau de 2010 fait peser un danger réel sur la démocratie. »

(2) Lire : « Fallait-il sauver les banques », Jannick Alimi, Ed Larousse, 2009.

« À la fin de l'année 2oo8, le gouvernement a débloqué plus de 20 milliards d'euros pour aider les banques françaises à surmonter la crise. Près d'un an plus tard, force est de constater que cet argent n'a pas servi à subvenir aux besoins des entreprises, grandes et petites...Les banquiers ne seraient-ils pas, finalement, les grands bénéficiaires du désastre qu'ils ont provoqué ? »

(3) Lire : « Que font-ils de notre argent », Stanislas Dupré, Ed. Nil, 2010.

« Vous êtes un citoyen modèle comme la planète en a besoin : vous préférez le bio à la junk food, vous prenez le train plutôt que l’avion, et au lieu de vous acheter une nouvelle voiture avec l’héritage de votre grand-mère, vous laissez votre pécule au chaud sur votre compte courant ou un placement sans risque. Erreur ! En faisant cela, vous êtes plus irresponsable que celui qui s’offre un 4x4. Il y a fort à parier en effet que vos économies servent à financer toute une usine, voire une nouvelle plateforme pétrolière en eau profonde. Car ne vous y trompez pas, les dix, cent ou mille euros qui traînent sur vos comptes ne restent pas à votre agence. Ils partent immédiatement pour une course folle à travers le monde dont Stanislas Dupré nous détaille les grandes étapes… ce livre met les pieds dans le plat et dénonce les mauvais élèves du secteur. Cela ne changera rien ? Pas sûr : l’étiquetage écologique des réfrigérateurs et des voitures a profondément modifié ces filières. Pourquoi n’en serait-il pas de même des banques ? »

Voir aussi :


Stanislas Dupré, france-info 02 12 2010 par FranceInfo

(4) Le classement des banques de la moins à la plus polluante

Groupe 1 : impacts positifs
La Nef,
Le Crédit Coopératif

Groupe 2 : risques faibles à modérés
La Banque Postale
Banque Populaire
Caisse d’Épargne
Crédit Mutuel – CIC

Groupe 3 : risques maximum, attention danger !

HBSC
Société Générale
BNP Parisbas
Crédit Agricole

Sources : www.jechangedebanque.org ; www.utopies.com ; www.lesamisdelaterre.org

(5) Sur La Nef : www.lanef.com ;


Sauvons les riches: Je Change de Banque par LeNouveauMonde

Sur Triodos : www.triodos.be

Lire le magazine de Triodos en ligne :


(6) Lire : « The Caravan », Mira Kamdar, New Delhi, 2011; “le mot de l’Inde” pour Courrier international.


(7) Lire : « Prospérité sans croissance » de Tim Jackson, Ed.Etopia et de Boeck, 2010.


(8) Lire : « Mon combat contre les Banques » de Me Daniel Richard, Ed. Max Nilo, 2006.

« Combien de fois vous êtes-vous senti impuissant face à votre banquier ? Daniel Richard est le premier avocat en France à avoir attaqué les grands établissements financiers. Ses procès gagnés depuis 1987 lui ont valu dans la presse le surnom de " Zorro de la défense des épargnants ". Les plus grandes banques françaises (…) gardent toutes un souvenir cuisant de leur confrontation avec l'avocat. Contrairement à beaucoup de ses confrères, Daniel Richard n'a pas choisi de servir les grandes puissances économiques, mais de dénoncer leurs abus et d'aider les clients à se défendre. Mais qui est l'homme derrière le masque de Zorro ? Quelles sont ses méthodes ? Comment est-il devenu en vingt ans la bête noire des banquiers ? Sur le ton de la confession, voici le récit d'un courageux parcours, une plongée dans les coulisses des grandes affaires gagnées par Daniel Richard. Mais l'ouvrage est aussi un guide précis pour mieux démasquer les excès de votre banque et mieux placer son argent ».

Acheter en ligne sur : www.amazon.fr

Voir le blog de Me Daniel Richard, avocat du barreau de Paris spécialisé en droit bancaire :
http://danielrichardavocat.over-blog.com/

(9) Lire attentivement la vérité sur les projets financés en secret par votre banque : www.secretsbancaires.fr et www.banksecrets.eu







Actualité de la francophonie




Confé
rence : Léopold Sédar Senghor père de la francophonie, chantre du dialogue 
interculturel, organisée par la Mairie du 20e arrondissement, sous le haut patronage du 
secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie :



Son Excellence Monsieur Abdou Diouf



La pensée de Léopold Sédar Senghor nous est-elle connue ?
Aujourd’hui, alors
qu’il est enseigné dans les collèges, nous voyons ressurgir, à l’occasion d’une émission
 télévisée ou d’une campagne électorale, des préjugés qu’on croyait enfouis, chassés par la
 sagesse de maîtres tels que Senghor et Césaire, Primo Levi et Claude Levi-Strauss, un choix
 volontairement divers parmi ceux qui ont illustré la diversité et démontré le caractère criminel
 du racisme.


On peut s’interroger sur la plus ou moins grande superficialité avec laquelle nous
 abordons l’œuvre de Senghor, une œuvre amarrée dans le sang et la souffrance, mais qui
 s’ouvre sur le pardon et l’appel à l’amour fraternel. Pour la conférence « Léopold Sédar
 Senghor père de la francophonie, chantre du dialogue interculturel » Mme Frédérique 
Calandra Maire du 20ème arrondissement de Paris, représentée par Mohamed Gassama, adjoint
 à la francophonie, aux relations internationales et interculturelles, est heureuse et honorée
 d’accueillir Monsieur Hamidou Sall, écrivain et poète, fils spirituel de Léopold Sédar Senghor
et conseiller du Secrétaire Général de l’OIF, Son Excellence M. Abdou Diouf.



M. Sall est entre autres l’auteur du recueil de poésie « Rhapsodie fluviale » (ed la cheminante).



La conférence aura lieu à la salle des fêtes de la mairie du 20ème

.



Le 26 mars 2011

de 14 heures à 16h30.



La conférence se terminera par un pot de l’amitié

.


Du 21 au 28 mars, semaine d'actions contre les discriminations raciales


Extrait du Cahier d’un retour au pays natal

Aimé Césaire




Partir.

Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-

panthères, je serais un homme-juif

un homme-cafre

un homme-hindou-de-Calcutta

un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas



l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture

on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer

de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir

de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne

un homme-juif

un homme-pogrom

un chiot

un mendigot



mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la

face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait

dans sa soupière un crâne de Hottentot? (1)




A VOIR
Une Saison chez Césaire
au Théâtre Les Déchargeurs à Paris

du 1er mars au 9 avril 2011





Une manifestation soutenue par l’Organisation Internationale de la Francophonie dans le cadre de 2011, année des Outremers (2).

JJF



Notes :

(1) Césaire Aimé, Cahier d’un retour au pays natal, dans La poésie, pp. 19-20, Paris, Éd. du Seuil, 2006, 554 p.

(2) http://www.billetreduc.com/48938/evt.htm

Des solidarités en Belgique




" Ma patrie, c'est la langue française ".
Albert Camus


Du 12 au 20 mars 2011, notre langue française sera célébrée avec faste en Belgique. Cette année, les festivités sont placées sous l’égide du terme solidarités, ce mot urgent, devenu si indispensable à une fraternité considérée en recul.


La Communauté française de Belgique revêtira à cette occasion ses habits de lumières en jeux de mots afin de s’en aller sur les routes du pays décliner ce thème des solidarités en dix vocables choisis : « accueillant, agapes, avec, chœur, complices, cordée, fil, harmonieusement, main, réseauter ». Les mots sont donc lancés sur les cinq continents. A attraper en vol. A humer. A contempler. Pour créer. Pour réinventer. Pour mieux nous rassembler.
En cette fin d’hiver, les pièces de théâtre, les lectures publiques, les décors urbains, les expositions, la musique du Royaume de Belgique vibreront au son de ces mots « complices », ces mots « qu’on plisse ».(1)

La langue française, ciment de notre espace francophone, comporte certes en Belgique des mots qui lui sont propres, liés à une évolution intrinsèque. Citons, à titre d’exemples, les incontournables « septante » pour soixante-dix, « nonante » pour quatre-vingt-dix ou « chicons » pour endives. Néanmoins, le français parlé par les francophones en Belgique n’est pas distinct du français de France.

Au-delà de toute considération sémantique, il convient de rappeler succinctement, l’évolution historique de la langue française en Belgique, indissociable de la situation politico-économique d’un pays au carrefour des cultures germaniques et romanes.

Le territoire géographique, appelé aujourd’hui Belgique, a été longtemps sous influence étrangère, espagnole, autrichienne, française. Sans existence propre. En 1793, il est annexé par la France, et devient une partie de l’Empire napoléonien jusqu’en 1815.

A la chute de l’Empire, cet espace est rattaché au Royaume des Pays Bas. La Belgique prend son nom actuel et proclame son indépendance vis à vis des Hollandais le 4 octobre 1830. Le prince allemand Léopold de Saxe Cobourg est nommé premier roi du Royaume de Belgique.

En raison de la majorité de francophones en Belgique, le français avait été choisi comme unique langue officielle de la nouvelle Belgique. L’objectif visait également à contrer Guillaume 1er des Pays Bas qui tentait d’imposer le néerlandais.

Le français, langue du lettré, connut alors son apogée dans les milieux administratifs, judiciaires, politiques, militaires, intellectuels, scolaires bien que le peuple eut coutume de s’exprimer dans nombre de dialectes wallons, flamands, picards.

À partir de 1840, les intellectuels néerlandophones travaillèrent à la reconnaissance du flamand afin de protester contre de la suprématie du français. Recevoir des courriers ou être jugés dans une langue que nombre d’entre eux ne comprenait pas leur était inacceptable. Sous l’impulsion du mouvement flamand, le néerlandais sera adopté, comme langue officielle de la Flandre, cinq décennies plus tard, en 1898.

Et c’est la loi linguistique de Vriendt-Coremans en date du 14 juillet 1932 qui réduira le français à la langue officielle de la Wallonie, et le néerlandais à celle de la Flandre. Les lois Gilson de 1962 achevèrent de fixer les frontières linguistiques en Belgique, et tracèrent la route vers le fédéralisme des années 1970.

Le Royaume de Belgique, pays de plus de 10 millions d’habitants, est devenu un Etat fédéré composé de trois Régions (la Région de Bruxelles Capitale, la Wallonie, la Flandre) et de trois Communautés (francophone, néerlandophone, germanophone). Trois langues nationales se doivent de cohabiter officiellement sur ce territoire découpé: le français (qui n’est plus parlé que par 40% de la population belge), le néerlandais (59% de la population), l’allemand (1%), en sus de dialectes et de langues régionales endogènes. Cependant, au sein de cette monarchie parlementaire, la diversité régionale et linguistique provoque des conflits politiques des plus complexes.

Les locuteurs du français sont situés majoritairement en Région wallonne et dans la Région bilingue de Bruxelles Capitale. Notons que la ville de Bruxelles est géographiquement enclavée dans la Région flamande. La capitale compte plus de un million d’habitants de 45 nationalités différentes. En deçà de la présence d’ « eurocrates » propageant l’usage de l’anglais à « Euroville », 15% de néerlandophones et 85% de francophones vivent à Bruxelles. Bien que tout un chacun ait coutume de dire « à Bruxelles, nous entendons, parlons toutes les langues », le français reste encore, à ce jour, majoritairement parlé dans la capitale, malgré certaines politiques réductrices au sein des institutions.

En effet, nous nous souvenons notamment, avec une vive émotion, des récents événements politiques traduisant explicitement une interdiction formelle de s’exprimer en français dans certaines communes de la périphérie bruxelloise à facilité linguistique comme Dilbeek. Le mot d’ordre définitif « Français interdit » n’a pas manqué d’engendrer des situations kafkaïennes pour les francophones résidant sur ces territoires (2).

En juin 2006, une résolution des séparatistes flamands, parti d’extrême droite, sollicite non seulement la scission de la Belgique, mais aussi l’indépendance de la Flandre avec l’incorporation de Bruxelles endéans leurs frontières. Certains réunionistes wallons, minoritaires, répliquent à la demande de scission en proposant une autre thèse : celle du rattachement progressif de la Wallonie et de Bruxelles à la France.

Soulignons que, la Wallonie, une des grandes régions industrielles de l’Europe (charbon, acier, verre), a été longtemps prospère économiquement. Elle porta le dynamisme de toute l’économie belge durant la première moitié du XXe siècle. La Wallonie contribua au décollage d’une Flandre rurale alors en retard de développement. A partir de 1960, le centre de gravité de l’économie belge s’est déplacé de la Wallonie vers la Flandre. Les industries minières de la Wallonie sont entrées en crise. 1960 coïncide aussi avec la fin de l’empire colonial belge : le Congo proclame son indépendance le 30 juin 1960 (3). Le déclin de la situation économique de la Wallonie et de Bruxelles a continué à s’accentuer. L’inégalité de développement entre la Flandre et la Wallonie s’est inversée. La Flandre a rattrapé son retard en misant sur le secteur automobile, textile, chimique, et le commerce maritime facilité par le port d’Anvers. De fil en fil, la Flandre, devenue riche, productive, puissante, s’est intégrée à la mondialisation. Elle génère 80% du commerce extérieur de la Belgique avec un taux de chômage de 5,4 % (11,8% en Wallonie). Mais aujourd’hui, la Flandre déclare qu’elle ne souhaite pas soutenir économiquement la Wallonie en difficulté (4). « Solidarité, reconnaissance, patrie, êtes vous de vains mots ? » s’est-on demandé par delà la frontière linguistique. Entre autres arguments, la Flandre avance, pour sa défense, avoir trop « souffert » avant 1960 de « l’hégémonie des francophones ». « Revanche » répliquent les francophones. Sur l’échiquier de la Belgique, la singularité réside dans le fait que le paradoxe né toujours du paradoxe.

Quoiqu’il en soit, un gouvernement ne pourra être crée en 2011 dans une logique de fédéralisme de concurrence i.e chaque état fédéré perçoit les fruits de l’impôt en fonction de sa richesse propre. Si la synergie économique s’impose, elle demeure pour l’heure abhorrée par les thuriféraires du repli de la Flandre.
D’où une situation politique insoluble, d’autant plus que le referendum n’existe pas encore en Belgique.

Querelles intestines de politiciens, d’intellectuels ? Un éventail des possibles s’est ouvert, l’histoire n’étant jamais écrite à l’avance. Gageons que les thèses antinomiques avancées ne verront guère venir un jour concret. Et ce, en raison de l’attachement indéfectible du peuple belge à leur seule patrie, une et multiple, la Belgique.

Dans le cadre de nos festivités, il convient de rendre hommage à ce peuple confronté au choix de son avenir. Reprenons à cet égard les mots de Jules César « horum omnium fortissimi sunt Belgae » : de tous, les belges sont les plus valeureux.

En ces temps politiquement troublés, les Jeunes Juristes Francophones rappellent que le plus précieux héritage sur le Vieux Continent se nomme la paix. D’où la nécessité de s’investir encore en faveur du Vivre ensemble, du dialogue des cultures qui décloisonne les univers.

Et que vive notre magnifique langue française en Belgique et dans le monde !
A l’heure où les contours des identités fluctuent, notre patrie c’est aussi notre langue.



Yola Minatchy



Notes

(1) Quelques programmes de la semaine de la langue française en 2011

En France : http://www.dismoidixmots.culture.fr/
En Belgique : http://www.lalanguefrancaiseenfete.be/
Au Cambodge : http://www.itc.edu.kh/webitc/
En Inde :
http://www.actupondy.com/fr/component/eventlist/details/89-cinema-alliance-francaise-pondichery
A La Réunion :
http://www.2011-annee-des-outre-mer.gouv.fr/programme/recherche-par-lieu/120/reunion.html
A Maurice :
http://www.facebook.com/group.php?gid=106543429378682&v=wall&viewas=0


(2) Voir la vidéo « interdiction de parler français chez les flamands » où l’humoriste francophone François Pirette « piège » l’administration communale de Dilbeek :
http://www.wat.tv/audio/pirette-interdiction-parler-2ckxt_2exyf_.html

Relevons quant à l’accent dit belge, dont on a toujours fait référence dans l’hexagone, qu'il s’agit de celui du flamand lorsqu’il accepte de s’exprimer dans une langue pour lui étrangère, le français ; ou encore celui des locuteurs du Brusseleir, un parler populaire d’origine brabançon-flamand avec des influences espagnoles et françaises. Les francophones de Bruxelles et de Wallonie ne sont pas concernés par cet accent.

(3) Empire colonial belge : Bankibazar actuelle Ichapur au Bengale Inde (de 1717 à 1731) ; Santo tomas de Castilla au Guatemala (de 1841 à 1854) ; le Congo (1885 à 1960) ; le Ruanda Urundi (1919 à 1960) ; Tianjin en Chine (de 1902 à 1931) ; Isola Comacina en Italie (de 1919 à 1920) .

(4) Pour plus d’informations sur la situation économique de la Belgique, lire :
Flandre Wallonie. Quelle solidarité ? De Michel Quévit aux éditions Couleurs livres.


Journée mondiale du bandeau blanc pour la lutte contre l’extrême pauvreté

Photo AMCP
« Considérer les progrès
de la société
à l’aune
de la qualité de vie
du plus démuni

et du plus exclu
est la dignité d’une nation

fondée sur les droits de l’homme. »


Afin de soutenir l’action mondiale contre l’extrême pauvreté et la faim, les Jeunes Juristes Francophones vous invitent à porter en ce 1er juillet un bandeau blanc.

Les membres des Nations Unies ont déclaré et signé en septembre 2000 à New York, 8 grands « Objectifs du Millénaire pour le Développement », parmi lesquels figure la réduction de moitié de la pauvreté dans le monde pour 2015 (1)

Rappelons qu’en 2010, 24.000 personnes meurent de faim chaque jour, soit un mort toutes les quatre secondes ; et que 1,4 milliard d’êtres humains vivent encore avec un dollar par jour.

Relevons que, en matière d’armement, le budget mondial des 192 États membres de l’ONU s’élève par an à 1464 milliards de dollars, et que le budget nécessaire afin d’éradiquer la faim et la pauvreté extrême dans le monde s’élève à 32 milliards de dollars par an (2). Vaincre la faim dans le monde serait possible dans un contexte où le désarmement ferait réellement partie intégrante des engagements des États membres des Nations Unies vers la consolidation du processus de paix.

Face à une politique internationale de développement pratiquant un double langage d’une incohérence flagrante, dans une ère où l’évolution technologique prime, dépasse celui de la conscience collective de l’Humanité, les Jeunes Juristes Francophones s’insurgent.

Nous nous associons, en ce 1er juillet, à la coalition mondiale (3) afin d’exhorter les États signataires à respecter leur engagement, à adopter des mesures concrètes d’ici 2015, à redéfinir une place pour les droits de l’Homme dans la hiérarchie des valeurs collectives, et vis à vis du droit international positif.

Yola MINATCHY




(1) Voir 8, film français de fiction traitant des Objectifs du Millénaire pour le Développement : http://www.ldmproductions.fr/8/

(2) Chiffres du Stockholm International Peace Research Institute.

(3) La coalition « 2005 :Plus d’excuses », diverses organisations, institutions, associations, bénévoles.

L’Isle de France, Maurice et la Francophonie




Abandonnée par les Hollandais, notre île est administrée et acquiert une véritable reconnaissance internationale lorsqu’elle est devenue officiellement l’Isle de France, sous administration française. L’administration française a duré presque un siècle (de 1715 à 1810) mais son influence a perduré jusqu’à nos jours. Il est bien connu que Bertrand-François Mahé de Labourdonnais a fait prospérer l'Isle de France très rapidement avec la fondation de plusieurs villes dont Port-Louis, la construction d’édifices administratifs (l’Hôtel du Gouvernement notamment), de magasins, d’entrepôts et de casernes militaires et Pierre Poivre a donné à l’île une structure environnementale et un nouvel aménagement.

Après l’acte de capitulation de 1810 par les Français, l’île est passée sous l’administration britannique mais celle-ci, conformément à leur pratique d’alors, avait indiqué que les habitants de l’île, devenue Maurice, pouvaient conserver leur « religion, lois et coutumes ». Les Britanniques ont consenti à ce que les habitants de l'île Maurice et de l'île Rodrigues continuent d’utiliser leur langue, leur religion, leur Code civil, leurs traditions et leurs douanes. Peu nombreux et n’ayant pas l’intention de peupler l’archipel, les Anglais avaient fait des concessions. Si toutefois les hauts fonctionnaires français ont été remplacés, la grande majorité des Franco-Mauriciens blancs, avaient décidé d’y rester et poursuivre l’exploitation des terres et commerces. Appuyés par le clergé catholique, ils ont opposé une résistance opiniâtre aux velléités gouvernementales de mainmise linguistique.

Le Français a été maintenu jusqu’en 1832 où le gouvernement colonial anglais a imposé une première politique linguistique : la langue anglaise est devenue obligatoire pour les Mauriciens lors de toute communication avec les autorités britanniques. L’année suivante, l’anglais a été érigé en l’unique langue de l’Administration en servant de critère d’embauche dans les services gouvernementaux.

Malgré cette politique d’introduction le l’anglais comme langue officielle, le français s’est maintenu fièrement comme la langue de la société civile cultivée. La presse écrite francophone a maintenu son essor et s’est développé. Des liens avec la France ont repris progressivement et en particulier après la seconde guerre mondiale.

Lors de l’accession de Maurice à l’indépendance en 1968, les autorités britanniques n’ont pu que prendre acte de cette réalité en énonçant que, même si l’anglais est la langue officielle du pays, le français est une langue de travail à l’Assemblée Législative. Les parlementaires peuvent communiquer en Français, ce qui est toujours le cas. Les Gouvernements mauriciens de l’après Indépendance ont réintroduit la réforme des lois d’origine française, dont le Code civil, en Français.

Maurice est membre de la Francophonie depuis le premier Sommet constitutif de 1986 à Versailles. La langue française s’est développée d’une manière très singulière à Maurice. Enseignée dès la maternelle ou les primaires, elle est la langue dominante au sein des médias. La grande majorité des journaux écrits sont publiés en Français. Le journal principal de la télévision nationale se fait encore en Français malgré l’introduction de plus en plus importante du créole lors des reportages. Les radios libres ont consolidé la place du français dans la diffusion de l’information et des émissions. Les chaînes de télévision étrangères reçues à Maurice sont majoritairement en français. Un certain nombre de lycées français ont vu le jour et des certains instituts d’enseignement supérieur offrent des cours en français.

Néanmoins, l’on ne peut que constater que le Français mauricien, tel qu’il s’est maintenu et développé, est resté seulement comme une langue populaire, parlée par la société civile. Il n’a pas pu acquérir de nouveau un statut, même partielle, de langue administrative ou technique. L’Administration mauricienne ne communique officiellement qu’en anglais à quelques exceptions près. Parallèlement, la langue créole, qui était un prolongement du français, évolue vers une autonomie en ayant une graphie phonétique propre et en intégrant de plus en plus de termes anglais. A titre indicatif, l’on ne dit pas en créole ordinateur portable mais bien « laptop » ou encore l’on ne dit pas « micro-ondes » mais « microwaves » etc. La liste peut être longue pour tous les nouveaux objets.

Si le Français a beaucoup progressé dans les médias, il a régressé en tant que langue de l’Etat dans les rares domaines où il était réservé. Très peu de députés s’adressent au Perchoir (Chair of the Speaker) en Français encore. L’ensemble des interventions parlementaires se font en anglais. Dans ce même prolongement, l’idée de traduire le Code civil, texte historique faisant partie de notre patrimoine, en anglais est l’illustration de ce recul du français comme langue même partiellement officielle de notre pays.

Il y a lieu de se ressaisir. Le Français est une langue internationale, officielle de l’ONU et de l’Union Européenne. Nous sommes membres de la Francophonie. Dans notre région, l’Océan-Indien et en Afrique, le Français est très répandu. Nous avons des rapports historiques et culturels forts et une très grande coopération avec la France. Il est dès lors nécessaire d’avoir une véritable politique francophone à Maurice d’autant que le Français est nettement plus accessible aux mauriciens que l’anglais. Notre bilinguisme a fait notre force et la fierté de beaucoup de mauriciens. Nous devons la consolider et lui accorder un nouvel élan.

Dr Ismael DILMAHOMED

Ancien Ambassadeur de Maurice en France

Semaine d’actions contre le racisme


« C’est un fait :
des Blancs s’estiment supérieurs aux Noirs.
C’est encore un fait : des Noirs veulent démontrer aux Blancs
coûte que coûte, la richesse de leur pensée,
l’égale puissance de leur esprit.
Comment s’en sortir ? »

Frantz FANON



En dépit du large éventail d’instruments juridiques réprimant le racisme, les discriminations raciales perdurent dans la complexité de nos sociétés.

A l’occasion de la journée mondiale contre ce fléau sociétal, les mouvements et acteurs de la contestation se réunissent du 18 au 26 mars 2010 au cœur d’une Belgique plurielle, cosmopolite.

Nous nous associons à cette semaine d’actions; nous défendons « la pensée de la multitude » pour « faire ensemble » contre le racisme; et nous proposons une diversité d’approches, d’interrogations, de réflexions afin d’en découdre avec le mille-feuille ségrégatif de l’idéologie raciale.

Peut-on lutter au XXIème siècle contre les stéréotypes attribués aux groupes ethniques depuis l’époque coloniale ? Les inégalités de race se sont-elles substituées aux inégalités de classe ? Comment articuler, compléter plutôt que d’opposer les identités disparates dans un espace public post-racial ? Peut-on changer notre société, la protéger des dérives les plus extrêmes en la matière ? A quand la consécration constitutionnelle dans nombre d’Etats de l’égalité des races ?

Si la démocratie se nourrit du progrès de la connaissance sociale, elle s’enrichit notamment de la capacité de chacun à remettre en cause ses propres préjugés et manquements en la matière, au-delà des communautés épistémiques.

Plaçant l’humain au cœur de nos préoccupations juridiques, nous esquissons des alternatives compatibles avec les perspectives du devenir de l’humanité.

A Bruxelles, le phalanstère du Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (ci-après « MRAX ») organise, autour de la Journée mondiale de lutte contre le racisme, une série d’actions antiracistes dans le cadre de la 5 ème édition de son festival décentralisé.

Le programme de cette Semaine d’actions contre le racisme sera axée cette année sur les activités de trois groupes de travail:

- Le groupe « islamophobie », lequel se réunira le 18 mars et mènera une réflexion sur la thématique de « l’islamophobie, racisme universel ?».

- Le groupe « Gens du voyage », qui remettra un cahier de revendications lors d’une conférence, le 22 mars, intitulée « Les gens du voyage, oubliés d’hier et d’aujourd’hui ».

- Le groupe « discriminations à l’égard des noirs », qui vous proposera des activités diverses (le 20, le 21, le 23, le 25, le 26 et le 28 mars), dont l’action symbolique « débaptisation de la rue des colonies à Bruxelles » le 20 mars.

La soirée de clôture intitulée « la lumière sur le racisme anti-noir » de la semaine d’actions aura lieu le 26 mars au théâtre Molière à la galerie de la porte de Namur à Bruxelles.

Au programme de cette soirée, spectacle, court métrage, musique avec en filigrane la richesse de toutes les ressources des sciences de l’Homme.

L’imaginaire social retissé dans ces créations artistiques concourt à la résistance contre les discriminations raciales ancrées dans tous les secteurs de la vie économique et sociale. Signe que les actions de mobilisation contre le racisme ne reflètent pas toujours une lutte uni-sectorielle et perturbatrice. Elles peuvent aussi se réaliser dans le respect des règles les plus élémentaires de civisme, contrepoids nécessaire face à la trame de l’intolérance, des discriminations, de l’exclusion ou de la violence.

Nous encourageons vivement toute victime de racisme à faire preuve d’irénisme, et particulièrement dans les sociétés post-coloniales, les départements d’Outremer, et à persévérer vers la création d’un nouvel ordre social, d’un meilleur «Vivre ensemble».

En cette journée mondiale, en mémoire des victimes des crimes raciaux, des génocides, des discriminations raciales de notre histoire, cristallisons ensemble dans cette temporalité toutes les pensées individuelles novatrices.

Pour que les idées, et non la violence, mènent l’humanité future.

La Présidente,
Bruxelles, 21 mars 2010*



*La date du 21 mars a été choisie par l’Organisation des Nations unies afin de commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville en Afrique du Sud, la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre l’apartheid.

Plus d’infos sur le programme de la semaine à Bruxelles:
http://www.mrax.be


Préparer la Francophonie de demain*

par Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie

La Francophonie a quarante ans, l’âge où l’on devient ce que l’on est profondément.

Quarante ans durant lesquels nous avons œuvré, avec confiance et constance, pour donner corps et substance aux ambitions et aux promesses éclairées de ceux qui signèrent, le 20 mars 1970, la Convention de Niamey.

Quarante ans durant lesquels nous avons repoussé les frontières de notre espace, élargi notre horizon, gagnant toujours plus de peuples et de nations à notre cause, jusqu’à exprimer la diversité constitutive et créative du monde.

Quarante ans durant lesquels nous nous sommes attachés à épouser et à anticiper les mutations d’un monde soumis à l’effacement de l’espace et à l’accélération du temps, d’un monde en proie à des défis d’une ampleur inédite et à des inégalités aussi révoltantes que croissantes.

Si la Francophonie a pu résister à l’épreuve du temps, si elle a su se régénérer et se réformer tout en restant elle-même, c’est grâce à l’engagement militant de toutes celles et de tous ceux qui l’ont fidèlement servie et promue, tout au long de ces quarante ans, mais c’est aussi grâce à la langue et aux valeurs qui nous fédèrent.

Car c’est bien la langue française qui confère à notre famille ce supplément d’âme, cette spontanéité dans la solidarité, cette intercompréhension dans le dialogue, cette conscience aiguë de notre ressemblance dans la différence et de notre communauté de destin, par-delà nos disparités et nos divergences.

C’est bien notre foi partagée en ces valeurs universelles et pérennes que sont la démocratie, les droits de l’homme, la paix, l’équité et la durabilité du développement, mais aussi notre foi irréductible en l’homme, tout l’homme, qui nous conduisent à vouloir obstinément que la liberté, l’égalité, le progrès, la prospérité ne soient plus le privilège de quelques
uns, mais un droit pour tous.

Alors nous avons toutes les raisons, quarante ans après, de célébrer avec fierté et allégresse la Francophonie d’aujourd’hui.

Mais nous avons, également, le devoir d’être aussi inspirés, ambitieux et exigeants qu’au premier jour afin de préparer la Francophonie de demain, celle-là même dont doivent s’emparer, dès maintenant, les jeunes générations avec notre
concours volontariste.

Que cette journée du 20 mars 2010 soit donc, sur tous les continents, la grande fête de la mémoire et de l’espoir.


*source : Organisation Internationale de la Francophonie

Orienter la réforme pénale

Les pénalistes ont toujours appelé de leur vœu une réforme de la procédure pénale, mais force est de constater qu’ils n’ont pas su démontrer leur capacité à adopter une position commune sur le projet de réforme initié par le gouvernement. Le projet est insuffisant sur bien des points et nécessite un profond remaniement. Certes, il comporte, du moins en apparence, des avancées significatives, notamment en ce qui concerne l’intervention et le rôle de l’avocat en garde à vue, l’affermissement du principe du contradictoire au cours de la phase de jugement ou bien encore la suppression du juge d’instruction. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la procédure pénale française même observée sous le prisme de la réforme, reste loin des exigences posées par les organes de justice européens et plus généralement des normes européennnes des grands pays tiers.

Une réflexion différente doit s’engager sur la refonte du processus judiciaire. Il est impératif que ce nouveau chantier législatif comprenne, dans une perspective d’harmonisation européenne, un certain nombre d’axes essentiels de réforme en vue d’atteindre un standard acceptable pour une administration de la justice rénovée. A ce titre, le régime de la garde à vue doit changer fondamentalement. Il apparaît tout aussi nécessaire que les audiences et auditions soient retranscrites intégralement. Nous appelons à la création d’un corpus du droit de la preuve en matière pénale. Enfin, le parquet doit retrouver sur la scène judiciaire la place qui est la sienne eu égard à sa fonction d’accusateur et à sa culture statutaire de hiérarchisation vis-à-vis du pouvoir executif.

La garde à vue telle qu’elle est pratiquée en France, reste une pratique bien moyenâgeuse. Déjà dans une circulaire du 11 mars 2003 Nicolas Sarkozy lui-même écrivait : « Trop souvent encore, les conditions matérielles dans lesquelles les personnes gardées à vue sont retenues ne sont pas dignes d’une démocratie moderne ». L’accroissement des pouvoirs conférés à l’avocat n’entraîne aucun effet mécanique sur l’humanisation des conditions de la détention. Le Code de procédure pénale et les circulaires d’application ont su faire preuve d’un grand mutisme sur les conditions matérielles de vie en garde à vue. Cependant il convient de dresser l’état des lieux du délabrement des cellules de garde à vue mal entretenues envahies d’odeurs nauséabondes parce que non ventilées auxquelles s’ajoute l’absence de chauffage. Le gardé à vue est par conséquent amené à passer la nuit dans de telles conditions, sans couvertures ou s’il en dispose elles ont été trop utilisées pour remplir les conditions d’hygiène élémentaire. Il doit se résoudre à dormir à même le sol ou sur un banc alors que la température extérieure peut être inférieure à zéro. Il doit apprendre à négocier avec le policier l’accès aux toilettes, le droit à une cigarette s’il est fumeur. Pire encore, rien n’est prévu dans le Code sur la possibilité pour le gardé à vue, dont la durée peut atteindre comme chacun sait 96 heures dans certains cas, sur la possibilité de se laver. Tout ce régime s’apparente à une forme subtile de torture ou de pression qui n’a pour objectif que de faire céder le gardé à vue afin qu’il passe aux aveux. Ce même constat vaut pour les dépôts (ou souricières), zone d’attente où sont stationnés les mis en cause après une garde à vue avant leur audition par un magistrat. Il est de ce fait plus qu’urgent de changer drastiquement les conditions matérielles de privation de liberté du gardé à vue d’autant que cette période est reconnue de l’avis des gardés à vue comme étant une des plus difficiles dans la phase de privation de liberté.

L’actuelle réforme ne peut prétendre progresser vers un droit moderne digne des standards européens sans avoir prévu la mise en œuvre d’un ensemble de mesures visant à améliorer ostensiblement les conditions matérielles de vie du gardé à vue.

Par ailleurs, la procédure pénale française comporte une autre lacune fondamentale et peu connue de certains pénalistes : l’absence d’établissement des déclarations verbatim du mis en cause. A tous les stades de la procédure, les déclarations du mis en cause sont retranscrites (c’est-à-dire reformulées) soit par le policier rédacteur du procès-verbal soit sous la dictée du magistrat instructeur par le greffier. A la phase de jugement, le greffier n’établit que des notes d’audiences, en réalité un résumé rapide de la position des uns et des autres. Or, pour l’équité et la loyauté d’un procès, toute déclaration doit être verbalisée intégralement. Selon la pratique actuelle, le policier ou le juge d’instruction entame préalablement une discussion avec le mis en cause et ensuite décide de la rédaction du procès verbal. Ils reformulent, à supposer objectivement, du moins librement les déclarations de l’intéressé dont certaines subtilités ou nuances ont pu être évacué de l’écrit. Cette méthode est bien contestable. Ainsi les questions pièges du policier ne sont pas notées. Le policier peut aisément, lorsqu’il procède à la notification des droits, dissuader oralement le gardé à vue de demander l’intervention d’un avocat faisant ainsi valoir la simplicité et la rapidité de la procédure. Au cours de la phase du jugement, il est tout aussi important qu’une transcription intégrale des déclarations de tous les acteurs du procès soit établie. Les simples notes d’audience ne permettent pas véritablement au juge d’appel ou de cassation d’exercer son contrôle. Nous avons tous en mémoire le dérapage verbal du juge dans l’affaire Omar Raddad mais ceci n’a pas été verbalisé. A titre de comparaison, en Angleterre et dans les pays de Common Law, les déclarations sont établies par un sténographe officiel pour être retranscrites intégralement et exactement (comme cela se fait au sein des assemblées parlementaires) dans un document intitulé « trial transcript ». Lorsqu’une transcription intégrale existe, tout dérapage verbal d’un juge ou des parties laisse des traces et peut être sanctionné. Une procédure pénale moderne et de qualité doit être aussi traçable que possible car il y va du respect de la liberté individuelle. Les procédés techniques actuels permettent aisément l’enregistrement de toute forme de procédure.

Ce besoin de qualité comporte une autre exigence. Un système pénal progressiste ne peut faire l’économie d’un véritable droit de la preuve encadrant la fonction de juger, sauf à se renier. Le droit français a toujours laissé la voie à la discrétion, voir à l’arbitraire, dans le cheminement d’une décision de culpabilité. Le Code de procédure pénale prévoit que « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, le juge décide d’après son intime conviction ». Or, l’intime conviction est tout le contraire d’un raisonnement légal construit tendant vers la déclaration de culpabilité. Elle ressemble plus au mode de croyance du profane que celui que doit avoir un juriste. Comment peut-on demander à des juges professionnels de juger à la manière de l’homme de la rue ? L’intime conviction fait place à des décisions purement subjectives et non objectives. Elle n’est pas réellement conciliable avec le principe selon lequel le doute profite à l’accusé, doute qui se trouve de la sorte amputé de toute sa substance.

A l’inverse, dans le système accusatoire de Common Law, le juge est guidé voir même encadré par un droit de la preuve. Le mode de preuve n’est pas libre mais bien légal. Certains mode de preuve sont bannis, en particulier le ouï-dire (hearsay evidence). Le ouï-dire est essentiellement des déclarations faites par un éventuel témoin en dehors du cadre judiciaire et qui est rapporté par un autre. De même, les conséquences qu’un juge peut tirer des éléments de preuves indirects (circumstantial evidence) sont bien encadrées. Aussi, les questions tendancieuses (leading questions), c’est-à-dire des questions comportant déjà un élément de réponse, sont interdites lors d’un interrogatoire. Le juge est amené à faire une construction légale de la culpabilité. Il doit établir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable (beyond reasonable doubt). Plus objectif, la décision de justice est moins variable d’un juge à l’autre, phénomène récurrent en France.

Enfin, le rôle et la place du parquet doivent être rationalisés. Dans le système actuel que l’on peut qualifier de confus et paradoxal, le parquet bénéficie du statut de magistrat, terme finalement ambigu pour celui qui représente tant la société que l’accusation. Le parquet, dans le procès pénal, doit voir son rôle réduit à celui d’accusation. Il doit se situer au même niveau que les autres intervenants au procès, les conseils des parties. Il ne doit plus faire partie intégrante de la composition du tribunal comme c’est le cas actuellement et entrer et sortir avec le tribunal. Comme le juge européen l’a souvent rappelé, il ne suffit pas que justice soit rendue, mais encore faut-il qu’elle soit apparente (Justice must not only be done, but must also be seen to be done), en reprenant un principe fondamental du droit anglais. Présentement, le justiciable peut avoir le sentiment d’une grande collusion entre le parquet et les juges. Dans ce même ordre de réflexion, il y a lieu de séparer définitivement et effectivement le corps des juges (du siège) de ceux du parquet pour une raison non pas seulement d’indépendance mais essentiellement d’impartialité. Un parquetier reste marqué psychologiquement et culturellement par une attitude accusatoire et ne peut assumer les fonctions d’un juge impartial.

Dans l’esprit de la réflexion qui précède, la problématique de suppression ou non du juge d’instruction se trouve transcendée. Son maintien ou non ne changera en rien la manière de rendre justice tant que les changements fondamentaux évoqués n’auront été appréciés. L’affaire Outreau a pu connaître les dérives que l’on sait malgré le nombre et la qualité des intervenants ayant agi parce que tous ont opéré dans le cadre d’un système que l’actuelle réforme ne propose pas de modifier. Le juge d’instruction seul n’est pas responsable de cette affaire. Conférer les pouvoirs du juge d’instruction au parquet sous le contrôle in fine d’un juge-arbitre n’aura pas d’influence sur la qualité de notre justice pénale. Le juge d’instruction peut être maintenu, mais il doit être davantage encadré dans l’exercice de ses fonctions. L’on peut imaginer un système dans lequel le juge d’instruction est chargé uniquement de l’enquête dans les affaires complexes et graves et qu’au terme de son instruction, le parquet entame une phase accusatoire et totalement contradictoire devant un juge-arbitre, le tout dans les termes rappelés. Une telle conciliation serait sage et donnerait à la procédure pénale française un nouveau souffle…

Jean-Marc MARINELLI, Avocat à la Cour

Parvèz DOOKHY, Docteur en Droit en Sorbonne